Clézio Le

Deux enfants vivent une expérience qui bouleverse leur vie : Petite Croix, jeune aveugle en qute de la couleur bleu, découvre la beauté du monde au cours d'un étonnant voyage intérieur, tandis que Gaspar, élevé dans une ville, se voit révélé la liberté du nomadisme… Des histoires insolites o les enfants sont des magiciens qui nous entraînent de l'autre côté du miroir. Récits initiatiques, passages d'un monde un autre, ces nouvelles poétiques semblent nées du rve d'un écrivain. Ces nouvelles sont extraites de Mondo et autres histoires (Folio n°1365).

II était une fois un petit bonhomme, il avait quatre ans. II s'appelait Chancelade. On pourrait parler de quatre étapes sur le chemin de sa vie : quatre ans, douze ans et demi, l'événement de la mort de son pre, vingt-deux ans et la vie commune avec Mina, sorte de long dialogue sur l'immortalité de l'âme ou non, et enfin le passage en une nuit de vingt-deux ans quatre-vingts ans. En effet, Chancelade autrefois avait été fort frappé par un mot de sa grand-mre, un mot qu'il avait jugé tre le comble de la tristesse ; elle lui avait dit et elle avait quatre-vingts ans : « La vie est si courte. » D'o la volonté de Chancelade de vivre intensément, de ne pas perdre une seconde, et d'tre sans cesse au niveau de cette rumeur de la vie et de ce qui pourrait l'tre. C'est donc une fte continuelle, un émerveillement, une vraie joie, mais précaire, menacée...

"Ma m?re, quand elle m'a raconté la premi?re du Boléro, a dit son émotion, les cris, les bravos et les sifflets, le tumulte. Dans la m?me salle, quelque part, se trouvait un jeune homme qu'elle n'a jamais rencontré, Claude Lévi-Strauss. Comme lui, longtemps apr?s, ma m?re m'a confié que cette musique avait changé sa vie. Maintenant, je comprends pourquoi. Je sais ce que signifiait pour sa génération cette phrase répétée, serinée, imposée par le rythme et le crescendo. Le Boléro n'est pas une pi?ce musicale comme les autres. Il est une prophétie. Il raconte l'histoire d'une col?re, d'une faim. Quand il s'ach?ve dans la violence, le silence qui s'ensuit est terrible pour les survivants étourdis. J'ai écrit cette histoire en mémoire d'une jeune fille qui fut malgré elle une héro?ne ? vingt ans." J. M. G. Le Clézio.